I
- Vous qui me semblez être au nombre des amants sincères, je souhaiterais que vous ne fussiez pas aussi craintif ; et il me plaît fort que votre amour pour moi vous tourmente, puisque je suis de même malheureuse à cause de vous. Mais votre lâcheté vous cause du dommage, car vous n’êtes pas assez hardi pour m’adresser vos prières courtoises et me causer ainsi, comme à vous-même, grand dommage : car aucune dame n’ose dévoiler par peur d’un faux pas, tout ce qu’elle désire.

II
- Noble dame, votre valeur tant prisée me fait vivre dans la crainte, tant elle est grande : et il n’est pas d’autre peur qui m’empêche de vous prier d’amour : car je préférerais vous servir courtoisement plutôt que de dépasser envers vous toute mesure. C’est ainsi que je sais m’enhardir jusqu’à vous prier ; et je voudrais que mes actes fussent mes messagers et que vous acceptiez qu’ils vous servent en guise de prières : car un acte méritoire doit bien valoir une parole.

(Bec, Chants d'amour des femmes-troubadours)